Les filières d'évasion des PG

Colonne de prisonniers de guerre français, cliché pris par un éclaireur de la 10° Panzer division (collection privée de J.L Prieur).

A partir d’août 1940 : des filières s’organisent pour aider les prisonniers de guerre à s’évader

 

L’Yonne est envahie les 15 et 16 juin 1940. Quelques combats sont livrés, le plus important pour défendre les ponts de Sens. Sur les routes de l’exode se mêlent les populations civiles étrangères et française et les soldats français en déroute. Les Allemands font des prisonniers par milliers. Le 17 juin 1940 en début d’après-midi, un convoi d’environ 3000 prisonniers français mourant de fatigue et de faim, arrive à Sens, venant de Montargis. Les Allemands les parquent provisoirement sous la Halle et devant la cathédrale. Une colonne d’environ 8000 prisonniers arrive de Troyes et défile rue Thénard. A tous ses hommes fatigués, les Allemands conseillent de ne pas chercher à s’évader car « la guerre est finie ». Ils improvisent des camps provisoires où ils rassemblent et enferment soldats, sous-officiers et officiers français vaincus et démoralisés.

 

Quelques grands camps se trouvent ainsi établis : au bord de l’Yonne à Sens, à proximité des établissements Barbier (on parle à Sens du « camp Barbier ») et de la route nationale 6, à Joigny, près de l’Yonne, à Saint-Florentin le long de la route nationale 5, à Auxerre, à Cravant…

 

Pour ceux qui souhaitent alors s’évader, la difficulté n’est pas extrême. Bien des Sénonais par exemple, cherchent à faciliter les évasions ; le colonel Poupart raconte : « Au début, on se bornait à faciliter la sortie des fugitifs, puis on leur préparait des vêtements civils quelconques : bleus de travail bien souvent. Bientôt il fallut (…) leur procurer des papiers d’identité (…) Les cachets officiels de la Mairie et du Commissariat étaient à la disposition des employés bénévoles (…) Henri Cronier, le docteur Bonnecaze et d’autres s’employaient à ce sujet (…) A Sens, on voit se former une sorte de conspiration spontanée et quasi générale pour aider aux évasions des prisonniers (…) Malheureusement ce temps ne pouvait durer et lorsque les Allemands purent s’organiser, la fuite s’avéra plus difficile ».

 

Beaucoup de prisonniers sont trop abasourdis par la débâcle et la défaite pour vouloir s’évader ; ils pensent aussi qu’ils vont être démobilisés et libérés. En juillet, de nombreux soldats sont envoyés chez les cultivateurs pour participer aux travaux de la moisson. Ils sont détachés des camps principaux qui reçoivent le statut de Front Stalag. Quand la moisson est terminée, les cultivateurs se plaignent de ne savoir que faire des prisonniers. On les occupe à des travaux agricoles secondaires et à des travaux de bûcheronnage.

 

Des milliers de prisonniers ne sont donc pas encore partis en Allemagne. Nombreux sont les prisonniers qui sont restés internés dans les Front Stalag ou qui y reviennent après les travaux des champs. Des filières s’organisent pour aider ceux qui le souhaitent à s’évader. Il faut les faire sortir du camp, leur procurer des habits civils et souvent leur fournir un billet de train. Une filière fonctionne à Sens avec Paul Picot. Une autre est active à Joigny autour de la famille Herbin.

 

En novembre 1940, il y a encore au moins 9000 prisonniers de guerre dans le département, la plupart sont encore détachés dans les fermes. Le rappel commence fin novembre ; les PG sont alors convoqués par les autorités d’occupation. Craignant à juste titre un départ en Allemagne, 2500 à 3000 d’entre eux ne répondent pas à l’appel et sont recherchés par les autorités d’occupation. Ceux qui sont repris ou ceux qui ne se sont pas évadés sont conduits en Allemagne dans des Stalags. Un train de douze wagons de PG quitte Joigny le 26 mars 1941 en direction de Troyes. Le Front Stalag de Joigny existe encore à la fin de 1941 mais ne regroupe vraisemblablement plus que des prisonniers « coloniaux ».

 

Sources : ADY, 1 W 14 à 19 (rapports préfectoraux). Témoignage de Jacqueline Herbin (1994). Témoignage de Robert Babillon (1998) in Fouanon Arnaud, La répression et la déportation dans l’Yonne, 1940-1944, mémoire de DEA, Université de Bourgogne, 1999. Colonel Poupart, Sens pendant la drôle de guerre, éditions de l’Yonne républicaine, Auxerre, 1950.

 

Claude Delasselle et Joël Drogland (Extrait du cédérom, La Résistance dans l'Yonne, AERI, 2004).

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