7 décembre 1943 : sabotage de l'écluse n° 113 à Migennes au lieu dit La Belle-Idée

La Belle-Idée à Migennes.

En cette fin d’année 1943 la lutte clandestine continue au dépôt ferroviaire de Laroche-Migennes. Louis Riglet et son groupe de sabotage FTP décident de saboter l’écluse située sur le canal de Bourgogne au lieu dit La Belle-Idée, à Migennes. La voie fluviale est un moyen de transport tout aussi précieux pour les autorités d’occupation que le chemin de fer ; le canal de Bourgogne étant la voie privilégiée pour les transports en direction du Sud-Est. Le groupe Riglet reprend là le type de sabotage qu’accomplissait le maquis Vauban dans son secteur avant d’être attaqué le 19 octobre 1943 par les Allemands. 

A Migennes, les saboteurs doivent prendre en considération le fait que l’écluse est gardée la nuit par deux requis civils de 19h à 6h du matin et le jour par un requis de 6h à 19h, rendant impossible toute approche à découvert. D’autant plus que les rives du canal sont désertes sur quatre km. Louis Riglet et Henri Séguinet mettent donc au point un système de mine flottante qui doit dériver jusqu’aux portes de l’écluse. Le sabotage a lieu le 7 décembre 1943 : le groupe Riglet, composé vraisemblablement de trois personnes cette nuit-là, s’approche de la berge dans l’obscurité et immerge l’engin qui dérive vers les portes de l’écluse. 

Louis Riglet (Collection ARORY).

Il est 6h15 lorsque les deux gardes civils (l’un des requis de nuit est resté pour converser avec le requis de jour), entendent une explosion. Ils pensent que la détonation provient du dépôt de Laroche-Migennes situé à proximité du poste de garde. Ils décident cependant d’aller inspecter l’écluse. Tout leur semble normal. Ce n’est qu’à la pointe du jour, vers 7h30, que les deux hommes et l’éclusière constatent les dégâts : les deux crics de passerelle et le garde corps de l’écluse sont détériorés ainsi que la partie supérieure des portes. Le rapport des Ponts et Chaussées du 7 décembre prévoit un arrêt de la navigation de 8 à 10 jours pour réparer ; le rapport de Gendarmerie daté du même jour évoque que l’écluse est inutilisable pour un mois environ. 

Henri Séguinet (Collection ARORY).

L’enquête menée dans les communes de Migennes et Cheny ne donne aucun résultat. Le commissaire de Police affirme dans son rapport du 10 janvier 1944 : « Dans ces localités où la quasi-totalité des habitants est composée de cheminots SNCF, l’enquêteur se heurte à une vive hostilité. Personne ne veut aider la police, ce qui, de ce fait, rend notre tâche extrêmement difficile. » Il se fait ensuite l’écho de la rumeur publique qui affirme que le sabotage s’explique par l’attitude collaboratrice de l’un des requis civils. L’objectif de cette rumeur était peut-être d’attirer sur lui des représailles allemandes. Il n’en fut rien. Trois mois plus tard, le 13 mars 1944, le groupe Riglet procède à un nouveau sabotage de cette écluse.

Il est 21h 10 le 13 mars 1944, lorsqu’une première explosion, très forte, suivie d’une deuxième, quelques secondes plus tard, retentit. La chute d’un corps lourd sur la toiture de sa maison laisse supposer à l’éclusière qu’il s’agit d’un bombardement. C’est en fait le coin de la passerelle qui a rebondi sur le toit ! Les dégâts semblent plus conséquents que lors du sabotage du 7 décembre 1943 : les portes amont détruites encombrent l’écluse ; un élément de la passerelle pesant 40 kg a été projeté en hauteur. Le rapport des Ponts et Chaussées daté du 16 mars prévoit un arrêt de la navigation d’environ trois semaines et le rapport de police notifie une interruption de la navigation pour une durée indéterminée. L’écluse étant située dans un endroit désert, le rapport ajoute « qu’il est facile à qui que ce soit d’y accéder et d’y opérer la nuit venue alors que l’éclusière est enfermée à son domicile. La vérification de l’emploi du temps de certains individus douteux n’a donné aucun résultat. » 

Sources : Archives départementales de l’Yonne, 1 W 29, 1 W 105, 1 W 109. Bailly Robert, Si la Résistance m’était contée, Clamecy, ANACR-Yonne, 1990, 520pages. Baudot Michel, Dalle-Rive Bernard, Delasselle Claude, Drogland Joël, Fouanon Arnaud, Gand Frédéric, Pers Jean-Claude, Roblin Thierry, Rolley Jean, La Résistance dans l'Yonne, cédérom AERI-ARORY, 2004. Delasselle Claude, Drogland Joël, Gand Frédéric, Roblin Thierry, Rolley Jean, Un département dans la guerre 1939-1945. Occupation, Collaboration et Résistance dans l'Yonne, Tirésias, 2007.

Arnaud Fouanon.

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