Juin 1942 : le Parti populaire français (PPF) entre en scène

Fondé en 1936 à Saint-Denis par Jacques Doriot, exclu du Parti communiste en 1934, le PPF comptait près de 100 000 membres à la veille de la guerre. Parti jeune, à dominante ouvrière, il était porté par un leader charismatique, grand orateur populaire. En 1939 pourtant, il marquait le pas et son leader était quelque peu discrédité, tant par son style de vie que pour avoir accepté les subventions de Mussolini. La défaite, l’armistice, l’installation du régime de Vichy semblent annoncer en 1940 un nouveau départ. Alors que Marcel Déat s’installe dans une hostilité au régime de Vichy, le PPF fait figure de mouvement du Maréchal, dont il défend la ligne jusqu’à l’été 1941 dans son journal, l’Emancipation nationale. N’obtenant pas de Vichy l’accès au gouvernement qu’il espérait, Doriot oriente le PPF vers la conquête du pouvoir et la collaboration avec les Allemands. Il lance l’idée de la Légion des volontaires français contre le bolchevisme et part lui-même combattre sur le front russe. A partir de 1942, il accentue encore son engagement dans la collaboration en se lançant dans la lutte aux côtés des Allemands contre les résistants, les juifs et les réfractaires au Service du travail obligatoire (STO). 

Le PPF est créé dans l’Yonne au cours d’une réunion privée qui se tient dans un café auxerrois, le 20 novembre 1941, très vraisemblablement à l’initiative de la direction nationale du parti qui a envoyé un représentant. Une structure militante se met en place à Auxerre comme en témoigne une distribution de tracts et le collage de papillons sur le portail du lycée. Les chefs en sont René Ducarme, photographe à Auxerre et Maurice Gauthereau, marchand de tissus à Auxerre, son adjoint. 

Le parti ne se manifeste plus jusqu’au printemps 1942. A partir de juin, il devient plus actif. Une permanence est ouverte à Avallon, des tracts sont distribués, une réunion publique est organisée à Auxerre. Durant l’été 1942 le PPF absorbe la majorité des adhérents du Mouvement social révolutionnaire d’Eugène Deloncle (MSR). En novembre 1942 l’action s’intensifie suite à la visite d’un inspecteur régional : distribution de tracts, collage de papillons, organisations de quatre réunions publiques à Auxerre en novembre. Les Jeunesses populaires de France multiplient les petits articles dans le Bourguignon

Cette activité est essentiellement auxerroise. Le parti est alors inexistant à Sens et les adhérents sont très peu nombreux à Avallon. A Joigny, le PPF ne rassemble que douze personnes en janvier 1943. Malgré la visite prolongée d’un délégué régional, l’activité est quasi nulle au printemps 1943. Le congrès départemental se tient à Auxerre, le 23 mai 1943. 25 personnes y assistent. Le congrès se consacre au « renforcement des cadres et aux actions à intensifier dans l’immédiat ». Le même jour, la Fédération organise une grande réunion privée et lance 300 invitations. Elle n’attire que 24 personnes, y compris le service d’ordre et le délégué à l’Information du gouvernement de Vichy. L’automne 1943 et le printemps 1944 ne sont marqués par aucune activité militante du PPF seul. Les militants auxerrois participent à des actions communes avec ceux des autres partis collaborationnistes puis se lancent individuellement dans le « contre terrorisme ». Les Cercles populaires français, organisation culturelle du PPF organisent une conférence du critique littéraire R. Fernandez, en juillet 1942 à Auxerre. Le compte-rendu de presse évoque une assistance choisie (le préfet de l’Yonne et le maire d’Auxerre y assistent), un auditoire « attentif » mais « restreint ».

Le nombre d ‘adhérents (156 dont 76 n’adhérèrent qu’à lui, les autres adhérant simultanément à d’autres partis collaborationnistes) apparaît donc disproportionné par rapport à l’activité réelle du parti qui est presque insignifiante. L’analyse statistique du fichier des adhérents au PPF montre qu’il s’agit d’un parti urbain (près de 65%) et surtout auxerrois (40%) ainsi que d’un parti masculin (80%). Le PPF fournit 35 miliciens, soit plus du tiers des effectifs départementaux de la Milice sans qu’on puisse préciser s’ils furent des combattants. 42% des adhérents au seul PPF furent jugés à la Libération et huit militants furent exécutés par la Résistance. Maurice Gauthereau fut condamné à 20 ans de travaux forcés.

Pour une présentation complète des partis collaborationnistes dans l’Yonne, de leurs activités et de leurs adhérents, ainsi que des sources de cette étude, se reporter à :

Baudot Michel, Dalle-Rive Bernard, Delasselle Claude, Drogland Joël, Fouanon Arnaud, Gand Frédéric, Pers Jean-Claude, Roblin Thierry, Rolley Jean, La Résistance dans l'Yonne, cédérom AERI-ARORY, 2004. 

Delasselle Claude, Drogland Joël, Gand Frédéric, Roblin Thierry, Rolley Jean, Un département dans la guerre 1939-1945. Occupation, Collaboration et Résistance dans l'Yonne, Tirésias, 2007. 

Joël Drogland.

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