15 décembre 1942 : le noyau fondateur du maquis FTP Vauban entame une longue série de sabotages

  Paradoxalement, c'est avant même sa naissance officielle en février 1943 que le maquis FTP Vauban entre dans l'action. Lorsque François Grillot (« Germain ») fonde le groupe des sédentaires FTP de Ravières en novembre 1942, celui-ci, sous la direction effective d'Emile Proudhon (« père Robert ») entame sans tarder son premier sabotage. Il utilise la cheddite dérobée aux carrières de Ravières par Gabriel Ramelet et les talents d'artificier des Philippot. Les cibles ne manquent pas car le secteur de Ravières est situé sur un axe majeur de circulation. Un faisceau de voies de communication stratégiques (canal de Bourgogne, voie ferrée PLM, route nationale 5) suit la vallée de l'Armançon et relie le Bassin parisien à la vallée de la Saône et du Rhône. Entre Brienon et Montbard, ce ne sont pas moins de 35 écluses qui se succèdent. Les Allemands ne peuvent les surveiller toutes et en permanence. Le 15 décembre 1942, le groupe FTP fait sauter les attaches des portes de l'écluse de Rougemont près d'Aisy-sur-Armançon. La nature de l'explosif et les quantités disponibles ne permettent d'infliger que des dégâts limités.

  En février 1943 le groupe sédentaire FTP donne naissance au maquis Vauban. L'installation  d'un groupe clandestin qui passe bientôt de 10 à 40 combattants pose de gros problèmes et retarde ou du moins gêne le programme de sabotages. Pourtant dès mars 1943, le maquis peut disposer de plastic fourni par l’état-major des FTP et acheminé par le « père Robert ». Ce plastic est vraisemblablement fourni par Jaminet, membre de l’état-major départemental FTP, en contact avec Lucien Herr qui s’approvisionne en armes et munitions au sein du réseau Jean-Marie Buckmaster. Le 30 avril 1943, le maquis pulvérise les colliers et faux-colliers de l'écluse 88 de Saint Vinnemer. Dans le mois précédent, 68 péniches transportant chacune 200 tonnes de produits (dont du ciment ) étaient passées par cette écluse. Même si la durée des réparations ne devait pas excéder huit jours, le préjudice est important.

  Les voies ferrées sont également une cible de choix. C'est pour célébrer à leur manière le 1er mai que les maquisards effectuent un double sabotage dans la nuit du 30 avril 1943. A 2h 57, le train 5407 roulant en direction de Dijon déraille au km 223, à un km de Ravières. La locomotive et six wagons quittent la voie. Les deux voies sont fermées pour 24 heures. A 8h 15, un train mixte roulant vers Chaumont déraille sur la voie unique Ravières-Chaumont. La machine et deux wagons quittent la voie. La technique progresse et les deux opérations suivantes sont réalisées « en tranchée ». Le 10 juillet 1943 un train de marchandises déraille au km 219, à 400 m de la gare d'Ancy-le-Franc. Quinze wagons, la locomotive et le tender se télescopent. Le 12 août 1943 un train de messagerie déraille à Perrigny-sur-Armançon. Douze wagons sont renversés et deux employés allemands sont blessés. Les déraillements « en tranchée » augmentent la durée d'immobilisation des voies car ils nécessitent l'intervention d'une grue. Les maquisards sabotent aussi à l'occasion les fils de transmission des signaux ce qui ralentit, voire immobilise temporairement la marche des convois. Les renseignements précis fournis par les cheminots résistants permettent d'épargner à coup sûr les trains de voyageurs français.

En juin 1943, le maquis s'en était pris à une usine d'alcool travaillant pour l'occupant qui fut facilement incendiée. En août 1943 le Front national et les FTPF lancent la bataille du grain.

Le maquis Vauban y participe. Dans la dernière semaine d'août, il détruit une batteuse à Arrans. Vers le 2 septembre, c'est le tour d'une presse à fourrage à Ancy-le-Franc. Le maquis Vauban est aidé dans ces opérations de sabotages visant à empêcher le pillage des ressources agricoles, par d’autres groupes et de nombreux sédentaires. Au point que les Allemands s’inquiètent. Le 9 décembre 1943 se tient à Avallon, à la demande de la Feldkommandantur 745 d'Auxerre, une grande réunion des maires de l'arrondissement sous la présidence du préfet de l'Yonne. L'orateur principal, et presque unique, est le colonel Damm. L'objet, lui aussi unique de cette réunion, est la livraison des céréales. Le colonel Damm, dans son allocution, évoque « les retards consécutifs à la démolition des presses, des actes de terreur, des lettres de menaces, des interceptions de livraisons ». Il annonce l'envoi d'une colonne militaire dépêchée par le Militärverwalter de Dijon « pour assurer la sécurité du transport des stocks destinés à l'Intendance Militaire de Sens et pour faire une pression militaire directe sur les producteurs de mauvaise volonté ». Puis il se répand en menaces plus ou moins voilées contre les maires présents (il n'y a que 6 absents excusés). Il les appelle à la délation et insiste sur le « devoir d'information sur les étrangers à la commune, le devoir de rapporter tous les incidents ». Il admoneste les édiles qui doivent s'impliquer dans la sous-répartition des impositions laquelle doit être intégrale, équitable et juste. Il termine par l'annonce de mesures rigoureuses de réquisitions militaires sans aucune compensation en cas de retard des livraisons.

  Cependant, l'opération la plus ambitieuse et la plus audacieuse, car effectuée loin de sa base, concerne le sabotage, le 12 septembre 1943, de la ligne électrique haute tension (225 kv) à Darcey, en Côte-d’Or. Les pylônes d'ancrage 227 et 228 sont cisaillés nuitamment à l'explosif, ce qui nécessite une semaine de travaux. L'interconnexion existant déjà, il n'y a pas de coupure totale mais une déperdition sur le réseau.

  Certes les sabotages du maquis Vauban ne causent pas des pertes considérables et irrémédiables à l’occupant. Mais il faut avoir à l'esprit que des opérations similaires se multiplient alors sur cet axe stratégique dans toute sa traversée de l’Yonne, de la Bourgogne et bien au-delà. D'autre part, l'impact psychologique est considérable. Le maquis crée ainsi une zone d'insécurité pour les occupants et les collaborateurs. C'est certainement l'activité débordante du maquis Vauban qui pousse les autorités d'occupation à traquer ce maquis et à l’attaquer le  19 octobre 1943.

  Le maquis Vauban disloqué se reforme dans le Morvan et ne reprend ses activités dans la région de Ravières qu'après son retour fin février 1944. Pendant son absence, c'est le petit maquis Berger, créé à l'initiative du « père Robert » qui reprend le flambeau et détruit vers le 10 mai 1944 plusieurs moteurs de bombardiers en gare de Poinçon-les-Larrey (Côte-d’Or). Après le 6 juin 1944, la préparation militaire du soulèvement et de la libération prennent le pas sur les opérations de sabotage pour les hommes du maquis Vauban dont les effectifs montent déjà à plus de 60 hommes.

 

Michel Baudot

 

Sources : Canaud Jacques, Les Maquis du Morvan, Académie du Morvan, 1981. Le Pillouer Yves, Le Maquis Vauban , mémoire de maîtrise, Université de Dijon, 1979. Simonnot Armand, Le Maquis Vauban, in Vigreux Marcel (dir.), Le Morvan pendant la Seconde Guerre mondiale, Saulieu, ARORM, 1998. Baudot Michel, Le maquis Vauban, in La Résistance de l’Yonne. Les organisations, Auxerre, ARORY-SSY, 2001.

 

En 2022, Morvan, Terre de Résistances, ARORM  a édité en collaboration avec l’ARORY, le mémoire de maîtrise d’Yves Le Pillouer, enricchi d’illustrations et de notes permettant l’actualisation de l’étude. Cet ouvrage, Le Maquis Vauban (1943-1944) est disponible sur commande à l’ARORY.

 

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